Il y a quelque chose là, quelque part. Quelque chose qu'il ne voit pas encore. C'est comme une brume opaque qui reste constamment posée sur son esprit depuis ce jour où il s'est éveillé dans un lit d'hôpital, la gorge tranchée. Il n'était resté accroché qu'à un souvenir, un vague rêve qui semblait plus être un cauchemar, celui d'un visage et d'une lame qui se rougit et puis, au fil des minutes, des heures et des jours, ça s'évaporait lentement. Comme si le souvenir se brouillait quand les autres lui échappaient tous, sauf celui de se réveiller aux portes de la mort, une plaie béante d'un bout à l'autre de cette gorge sur laquelle il vient poser ses doigts une nouvelle fois.
C'est le silence qu'il donne depuis des jours et c'est dans ce dernier qu'il vit depuis presque autant de temps, il en resterait presque figé dans la position qu'il tien actuellement ; en tailleur, bras croisés sur le torse devant cette petite table basse où brûle, inlassablement, des bâtons d'encens.

Il aura bien dû se lever plusieurs fois, pour apporter quelques soins à un Zouwu qui ne réussi plus à resté caché dans une armoire, lui qui souhaite juste sortir et voir le monde. Sauf que le maître de l'animal est aux abonnés absent, qu'il est là sans y être alors qu'il fouille dans une mémoire vierge de trop de souvenirs. Et cette brume, cette sensation ; celle qu'on l'a coupé d'une partie de sa vie, qu'on l'a prise pour mieux la lui arracher. C'est une désagréable sensation, qui le laisse retourner trop souvent à sa contemplation du vide ou de ce bout de parchemin roulé en boule sur le sol, à portée de main.
Il est noir son regard, où qu'il se pose, il se voile un peu plus à chaque fois. A chaque question qui se trace, à chaque mot qui se dessine devant ses yeux après cette lecture qui le laisse pensif. Ou autre chose... Quelque chose de plus profond, qui traduit plus de l'agacement ou de l'étonnement ? Quelque chose sur lequel il ne met pas le doigt.

Alors il vient la reposer sur sa cicatrice, cette main. Bien qu'elle soit fine, elle reste toujours présente, souhait qu'il avait eu en interrompant les soins de sa cousine ce fameux jours. Elle finira par disparaître dans quelques jours, les sortilèges utilisés par Kaneko ayant fait son office. Un jour, ce ne sera plus qu'un vieux souvenir, qu'on ne raccroche toujours pas à autre chose. Comme si il restait un blanc que même la méditation n'arrivait pas à combler. C'était comme si on lui barrait la route sans qu'il ne comprenne pourquoi. Il y avait l'avant et l'après ; rien pendant. Rien d'autre que du néant qui lui déclenchait de profondes inspirations quand ce n'était pas à cause de la requête que Kassie lui avait envoyée. Par hibou...

Il aurait pu en rire, ou en sourire au moins. Ce n'était pas le cas. Restait la pensée qui s'échappait et ce froncement de sourcil au moindre bruit dans le petit appartement. Ou à sa porte. Comme ceux qu'il avait eu à plusieurs reprises, depuis quelques instants maintenant. Lui qui restait assez dans la pénombre, dans cette position qui ne disait rien de bon.
Il finira par se lever, dans un subtil froissement de tissu avant que ses pieds ne glissent silencieusement sur le sol, jusqu'à cette porte sur laquelle il posera la main avant d'en tourner la poignée. Il y aura ce regard, celui qui tombe dans le regard de l'autre quand la séparation entre les deux âmes disparaît. Un regard sombre, las sûrement ; toujours moins que celui de son cousin à qui il va laisser la place d'entrer. Dans le silence toujours, parce que c'est là qu'il se sent le mieux.

Il laissera le temps à Iwao de prendre la décision d'entrer ou non, mais la porte ne restera pas ouverte bien longtemps alors qu'il aura un geste de baguette en direction de petits récipients posés sur un coin de comptoir. De quoi pouvoir partager du saké de manière plus civilisée, quelque chose comme ça. C'est qu'on ne sait pas trop pour le moment... C'est qu'il ne sait peut-être pas lui-même, âme perdue comme l'est celle d'Iwao. Comme si les bouées de l'un et de l'autre étaient à la dérive et ne cherchaient qu'une chose, quelque chose à quoi se raccrocher pour pouvoir continuer d'exister.